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vous reconnaissez le légionnaire Perenna qui combattit sous vos ordres ?

— Je le reconnais, dit le comte d’Astrignac.

— Sans erreur possible ?

— Sans erreur possible et sans le moindre sentiment d’hésitation.

Le préfet de police se mit à rire et insinua :

— Vous reconnaissez le légionnaire Perenna que ses camarades, par une sorte d’admiration stupéfiée pour ses exploits, appelaient Arsène Lupin ?

— Oui, monsieur le préfet, riposta le commandant, celui que ses camarades appelaient Arsène Lupin, mais que ses chefs appelaient tout court : le héros, celui dont nous disions qu’il était brave comme d’Artagnan, fort comme Porthos…

— Et mystérieux comme Monte-Cristo, dit en riant le préfet de police. Tout cela en effet se trouve dans le rapport que j’ai reçu du 4e  régiment de la légion étrangère, rapport inutile à lire dans son entier, mais où je constate ce fait inouï que le légionnaire Perenna, en l’espace de deux ans, fut décoré de la médaille militaire, décoré de la Légion d’honneur pour services exceptionnels, et cité sept fois à l’ordre du jour. Je relève au hasard…

— Monsieur le préfet, je vous en supplie, protesta don Luis, ce sont là des choses banales, et je ne vois pas l’intérêt…

— Un intérêt considérable, affirma M. Desmalions. Ces messieurs sont ici, non pas seulement pour entendre la lecture d’un testament, mais aussi pour en autoriser l’exécution dans la seule de ses clauses qui soit immédiatement exécutoire : la délivrance d’un legs s’élevant à un million. Il faut donc que la religion de ces messieurs soit éclairée sur le bénéficiaire de ce legs. Par conséquent, je continue…

— Alors, monsieur le préfet, dit Perenna en se levant et en se dirigeant vers la porte, vous me permettrez…

— Demi-tour !… Halte !… Fixe ! ordonna le commandant d’Astrignac d’un ton de plaisanterie.

Il ramena don Luis en arrière au milieu de la pièce et le fit asseoir.

— Monsieur le préfet, je demande grâce pour mon ancien compagnon d’armes,