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« Bigre, pensa-t-il, il est resté au poste. Ce sera dur. Il se défie. Enfin, allons-y. »

Il traversa le premier salon et gagna son cabinet de travail. Weber l’aperçut. Les deux ennemis étaient l’un devant l’autre. Il y eut quelques secondes de silence avant que le duel ne s’engageât, duel qui ne pouvait être que rapide, serré, sans la moindre défaillance et sans la moindre distraction. En trois minutes il fallait que ce fût terminé.

La figure du sous-chef exprimait une joie mêlée d’inquiétude. Pour la première fois il avait la permission, il avait l’ordre de combattre ce don Luis maudit, contre lequel sa rancune n’avait jamais pu s’assouvir. Et, cela, c’était une volupté d’autant plus grande qu’il avait tous les atouts en main et que don Luis, en défendant Florence Levasseur et en maquillant le portrait de la jeune fille, s’était mis dans son tort. Mais, d’autre part, Weber n’oubliait pas que don Luis n’était autre qu’Arsène Lupin, et cette considération lui inspirait un certain malaise. Visiblement il pensait :

« La plus petite gaffe, et je suis réglé. »

Il engagea le fer, en plaisantant :

— D’après ce que je vois, vous n’étiez pas dans le pavillon de Mlle Levasseur, comme le prétendait votre domestique.

— Mon domestique a parlé selon mes instructions. J’étais dans ma chambre, là au-dessus. Mais, avant de descendre, je voulais en finir.

— Et c’est fait ?

— C’est fait. Florence Levasseur et Gaston Sauverand sont chez moi, ficelés et bâillonnés. Vous n’avez qu’à en prendre livraison.

— Gaston Sauverand ! s’écria Weber. C’était donc bien lui qu’on a vu entrer ?

— Oui. Il habitait tout simplement chez Florence Levasseur, dont il est l’amant.

— Ah ! ah ! dit le sous-chef d’un ton goguenard, son amant !

— Oui, et quand le brigadier Mazeroux a fait venir Florence Levasseur dans sa chambre pour l’interroger loin des domestiques, Sauverand, prévoyant l’arrestation de sa maîtresse, a eu l’audace de nous rejoindre. Il voulait l’arracher à nos mains.

— Et vous l’avez maté ?

— Oui.

Il était clair que le sous-chef ne croyait pas un seul mot de l’histoire. Il savait, par M. Desmalions et par Mazeroux, que don