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Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/207

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— Monsieur le préfet, j’ai subi hier, de la part de cet homme, un affront sanglant. Mes subordonnés en ont été les témoins. Les domestiques ne peuvent l’ignorer. Avant peu, le public en sera instruit. Cet homme a fait évader Florence Levasseur. Il a voulu faire évader Gaston Sauverand. C’est un bandit de la plus dangereuse espèce. Monsieur le préfet, je suis sûr que vous ne me refuserez pas l’autorisation de le forcer dans sa tanière. Sinon… sinon, monsieur le préfet, je me verrai contraint de donner ma démission.

— Avec motif à l’appui, dit le préfet en riant. Décidément, vous ne pouvez pas digérer le coup du rideau de fer. Allez-y donc ! Aussi bien, tant pis pour don Luis. Il l’aura voulu… Mazeroux, dès que le téléphone sera réparé, vous me donnerez des nouvelles à la Préfecture. Et ce soir, rendez-vous, boulevard Suchet, à l’hôtel Fauville. N’oubliez pas qu’il s’agit de la quatrième lettre.

— Il n’y aura pas de quatrième lettre, monsieur le préfet, déclara Weber.

— Pourquoi ?

— Parce que d’ici là don Luis sera coffré.

— Ah ! c’est don Luis aussi que vous accusez d’être l’auteur…

Don Luis n’en écouta pas davantage. Doucement il recula vers le placard, saisit le panneau et le rabattit sans bruit.

Ainsi donc, sa retraite était connue !

— Saperlipopette, grogna-t-il, elle est raide celle-là ! Me voici dans de beaux draps.

Il avait couru jusqu’à la moitié du souterrain avec l’intention de gagner l’autre issue. Il s’arrêta.

« Pas la peine, puisque cette issue est gardée… Alors, quoi, voyons, est-ce que je vais être pris au collet ? Voyons… Voyons… »

D’en bas, de l’alcôve, parvenait déjà un bruit de coups, le bruit des coups que l’on frappait sur le panneau, dont la sonorité spéciale avait probablement attiré l’attention du sous-chef. Et comme Weber, n’étant pas astreint aux mêmes précautions que don Luis, semblait démolir le panneau sans s’attarder à la recherche du mécanisme, le péril était proche.

— Nom d’un chien de nom d’un chien, ronchonna don Luis. C’est trop bête ! Que faire ? Leur passer sur le corps ?… Ah ! si j’étais en pleine force !…

Mais le manque de nourriture l’épuisait. Ses jambes tremblaient sous lui, et son cerveau commençait à n’avoir plus sa lucidité habituelle.

Un redoublement de coups dans l’alcôve le poussa malgré tout vers l’issue d’en