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Il dit encore plusieurs mots que M. Desmalions ne discerna point. Puis la communication s’interrompit, et bien que le préfet entendît des cris, il lui sembla que ces cris étaient lointains, comme si l’appareil n’eût plus été à la portée de la bouche qui les articulait.

Il raccrocha le récepteur.

— Messieurs, dit-il en souriant, il est trois heures moins dix-sept. Dans dix-sept minutes, nous allons sauter. Ainsi du moins l’affirme notre bon ami don Luis Perenna.

Malgré les plaisanteries qui accueillirent cette menace, il y eut comme un sentiment de gêne. Le sous-chef Weber demanda :

— C’est bien don Luis, monsieur le préfet ?

— En personne. Il s’est terré dans quelque trou de son hôtel, au-dessus de son cabinet de travail, et les privations, la fatigue, semblent l’avoir un peu détraqué. Mazeroux, allez donc le prendre au gîte… si toutefois il n’y a pas là quelque nouveau tour de sa part. Vous avez le mandat ?

Le brigadier Mazeroux s’approcha de M. Desmalions. Il était blême.

— Monsieur le préfet, il vous a dit que nous allions sauter ?

— Ma foi, oui. Il se base sur cette note que Weber a trouvée dans un volume de Shakespeare. L’explosion doit avoir lieu cette nuit.

— À trois heures du matin ?

— À trois heures du matin, c’est-à-dire dans un petit quart d’heure.

— Et vous restez, monsieur le préfet ?

— Vous en avez de bonnes, brigadier. Croyez-vous que nous allons obéir aux lubies de ce monsieur ?

Mazeroux chancela, hésita, mais, malgré toute sa déférence, incapable de se contenir, il s’écria :

— Monsieur le préfet, ce n’est pas une