Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dit avec une violence presque haineuse :

— Qu’est-ce que vous venez faire ici ? Qu’est-ce que vous venez faire ? Pourquoi ne m’avoir pas averti ?…

M. Desmalions s’interposa. Mais don Luis, sans lâcher prise, s’écria :

— Eh ! monsieur le préfet, vous ne voyez donc pas que tout cela n’est qu’une erreur ? La personne que nous attendons, que je vous ai annoncée, n’est pas celle-ci. L’autre se cache, comme toujours. Mais il est impossible que Florence Levasseur…

— Je n’ai aucune prévention contre mademoiselle, dit le préfet de police d’une voix impérieuse. Mais mon devoir est de l’interroger sur les circonstances qui déterminent sa visite. Je n’y manquerai pas…

Il dégagea la jeune fille et la fit asseoir. Lui-même prit place devant son bureau, et il était facile de voir combien la présence de la jeune fille l’impressionnait. Par cette présence l’argumentation de don Luis se trouvait pour ainsi dire illustrée. L’entrée en scène d’une personne nouvelle, ayant des droits à l’héritage, c’était incontestablement, pour tout esprit logique, l’entrée en scène d’une criminelle apportant elle-même les preuves de ses crimes. Don Luis le sentit nettement, et, dès lors, il ne quitta plus des yeux le préfet de police.

Florence les regardait tour à tour comme si tout cela eût été pour elle la plus insoluble des énigmes. Ses beaux yeux noirs conservaient leur habituelle expression de sérénité. Elle n’avait plus son vêtement d’infirmière, et sa robe grise, très simple, sans ornements, montrait sa taille harmonieuse. Elle était grave et tranquille ainsi que de coutume.

M. Desmalions lui dit :

— Expliquez-vous, mademoiselle.

Elle répliqua :

— Je n’ai rien à expliquer, monsieur le préfet. Je viens à vous chargée d’une mission que je remplis sans en connaître la signification exacte.

— Que voulez-vous dire : sans en connaître la signification ?

— Voici, monsieur le préfet. Quelqu’un en qui j’ai toute confiance, et pour qui j’éprouve le plus profond respect, m’a priée de vous remettre certains papiers. Ils concernent, paraît-il, la question qui fait l’objet de votre réunion d’aujourd’hui.

— La question d’attribution de l’héritage Cosmo Mornington ?

— Oui, monsieur le préfet.

— Vous savez que, si cette réclamation