— Il faut le secourir, monsieur le préfet. Depuis le début de cette réunion, la conviction s’impose à moi que nous nous heurtons à une entreprise déjà commencée. Je souhaite qu’il ne soit pas trop tard et que votre inspecteur n’en soit pas la première victime.
— Eh ! monsieur, s’écria le préfet de police, vous affirmez tout cela avec une conviction que j’admire, mais qui ne suffit pas à établir que vos craintes sont justifiées. Le retour de l’inspecteur Vérot en sera la meilleure démonstration.
— L’inspecteur Vérot ne reviendra pas.
— Mais enfin pourquoi ?
— Parce qu’il est déjà revenu. L’huissier l’a vu revenir.
— L’huissier a la berlue. Si vous n’avez pas d’autre preuve que le témoignage de cet homme…
— J’en ai une autre, monsieur le préfet, et que l’inspecteur Vérot a laissée ici même de sa présence… Ces quelques mots presque indéchiffrables, qu’il a griffonnés sur le bloc-notes, que votre secrétaire ne l’a pas vu écrire, et qui viennent de me tomber sous les yeux. Les voici. N’est-ce pas une preuve qu’il est revenu ? Et une preuve formelle !
Le préfet ne cacha pas son trouble. Tous les assistants paraissaient émus. Le retour du secrétaire ne fit qu’augmenter les appréhensions. Personne n’avait vu l’inspecteur Vérot.
— Monsieur le préfet, prononça don Luis, j’insiste vivement pour qu’on interroge l’huissier.
Et dès que l’huissier fut là il lui demanda, sans même attendre l’intervention de M. Desmalions :
— Êtes-vous sûr que l’inspecteur Vérot soit rentré une seconde fois dans cette pièce ?
— Absolument sûr.
— Et qu’il n’en soit pas sorti ?
— Absolument sûr.
— Vous n’avez pas eu la moindre minute d’inattention ?
— Pas la moindre.
Le préfet s’écria :
— Vous voyez bien, monsieur ! Si l’inspecteur Vérot était ici, nous le saurions.
— Il est ici, monsieur le préfet.
— Quoi ?
— Excusez mon obstination, monsieur le préfet, mais je dis que quand quelqu’un entre dans une pièce et qu’il n’en sort pas, c’est qu’il s’y trouve encore.