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Et enfin cette remise située près d’une grande ville, cette limousine toujours prête, chargée d’essence, tout cela ne démontrait-il pas que le bandit, quand il voulait aller à son repaire, prenait la précaution de s’arrêter au Mans pour se rendre ensuite, dans sa limousine, au domaine abandonné du sieur Langernault ? Ainsi donc, ce jour-là, à dix heures du matin, il arrivait dans sa tanière. Et il y arrivait avec Florence Levasseur, endormie, inanimée.

Et la question se posait, obsédante et terrible : Que voulait-il faire de Florence Levasseur ?

— Plus vite ! Plus vite ! criait don Luis.

Depuis que la retraite du bandit lui était connue, les desseins de cet homme lui apparaissaient avec une effrayante clarté. Se sentant traqué, perdu, objet de haine et d’épouvante pour Florence maintenant que les yeux de la jeune fille s’étaient ouverts à la réalité, quel plan pouvait-il se proposer, sinon, comme toujours, un plan d’assassinat ?

— Plus vite ! criait don Luis. Nous n’avançons pas. Plus vite donc !

Florence assassinée ! Peut-être le forfait n’était-il pas encore accompli. Non, il ne devait pas l’être encore. Il faut du temps pour tuer. Cela est précédé de paroles, d’un marché qu’on offre, de menaces, de prières, de toute une mise en scène innommable. Mais la chose se préparait. Florence allait mourir !

Florence allait mourir de la main du bandit qui l’aimait. Car il l’aimait, don Luis avait l’intuition de cet amour monstrueux, et comment alors croire qu’un pareil amour pût se terminer autrement que dans la torture et dans le sang ?

Sablé… Sillé-le-Guillaume…

La terre fuyait sous eux. Les villes et les maisons glissaient comme des ombres.

Et ce fut Alençon.

Il n’était guère plus d’une heure et demie lorsqu’ils atterrirent dans une prairie située entre la ville et Formigny. Don Luis s’informa. Plusieurs automobiles avaient passé sur la route de Formigny, entre autres une petite limousine conduite par un monsieur, et qui s’était engagée dans un chemin de traverse.

Or ce chemin de traverse conduisait aux bois situés derrière le Vieux-Château du père Langernault.

La conviction de don Luis fut telle que, après avoir pris congé de Davanne, il l’aida à reprendre son vol. Il n’avait plus besoin