Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Florence s’échappa de la clinique où M. le préfet l’avait conduite sur ma demande. Elle n’avait qu’une idée : revoir Jean Vernocq, exiger de lui une explication, entendre de lui le mot qui justifie. Le soir même, sous prétexte de montrer à Florence les preuves de son innocence, il l’emportait en automobile. Voilà, monsieur le président. »

Valenglay avait écouté avec un intérêt croissant cette sombre histoire du génie le plus malfaisant qu’il fût possible d’imaginer. Et peut-être l’avait-il écoutée sans trop de malaise, tellement elle illuminait, par opposition, le génie clair, facile, heureux, et si spontané, de celui qui avait combattu pour la bonne cause.

— Et vous les avez retrouvés ? dit-il.

— Hier soir à trois heures, monsieur le président. Il était temps. Je pourrais même dire qu’il était trop tard, puisque Jean Vernocq commença par m’expédier au fond d’un puits et par écraser Florence sous un bloc de pierre.

— Oh ! oh ! ainsi vous êtes mort ?

— De nouveau, monsieur le président.

— Mais Florence Levasseur, pourquoi ce bandit voulait-il la supprimer ? Cette mort anéantissait son indispensable projet de mariage.

— Il faut être deux pour se marier, monsieur le président. Or, Florence refusait.

— Eh bien ?

— Jadis Jean Vernocq avait écrit une lettre par laquelle il laissait tout ce qui lui appartenait à Florence Levasseur. Florence, toujours émue de pitié pour lui, et ne sachant pas d’ailleurs l’importance de son acte, avait écrit la même lettre. Cette lettre constitue un véritable et inattaquable testament en faveur de Jean Vernocq. Héritière légale et définitive de Cosmo Mornington par le seul fait de sa présence à la réunion d’avant-hier et par l’apport des documents qui prouvent sa parenté avec la famille Roussel, Florence, morte, transmettait ses droits à son héritier légal et définitif. Jean Vernocq héritait sans contestation possible. Et comme, faute de preuves contre lui, on eût été obligé de le relâcher après son arrestation,