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Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/373

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adresse et son ingéniosité, c’est par les autres choses qu’il la passionna. On riait de ses bons tours, mais on s’enthousiasmait pour son courage, pour son audace, son esprit d’aventure, son mépris du danger, son sang-froid, sa clairvoyance, sa bonne humeur, le gaspillage prodigieux de son énergie, toutes qualités qui brillèrent à une époque où, précisément, s’exaltaient les vertus les plus actives de notre race, l’époque héroïque de l’automobile et de l’aéroplane, l’époque qui précéda la grande guerre.

Et, comme on lui faisait remarquer :

— Vous parlez de lui au passé. Le cycle de ses aventures est donc terminé selon vous ?

— Nullement. L’aventure, c’est la vie même d’Arsène Lupin. Tant qu’il vivra, il sera le centre et le point d’aboutissement de mille et une aventures. Il l’a dit un jour : « Je voudrais qu’on inscrivît sur ma tombe : « Ci-gît Arsène Lupin, aventurier. » Boutade qui est une vérité. Il fut un maître de l’aventure. Et, si l’aventure le conduisit jadis trop souvent à fouiller dans la poche de son voisin, elle le conduisit aussi sur des champs de bataille où elle donne, à ceux qui sont dignes de lutter et de vaincre, des titres de noblesse qui ne sont pas à la portée de tous. C’est là qu’il gagna les siens. C’est là qu’il faut le voir agir, et se dépenser, et braver la mort, et défier le destin. Et c’est à cause de cela qu’il faut lui pardonner, s’il a quelquefois rossé le commissaire et quelquefois chipé la montre du juge d’instruction… Soyons indulgents à nos professeurs d’énergie.

Et don Luis termina, en hochant la tête :

— Et puis, voyez-vous, il eut une autre vertu qui n’est pas à dédaigner, et dont on doit lui tenir compte en ces temps moroses : il eut le sourire !


fin