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ne vous attaquât ? Qui ? Un ennemi habitant l’hôtel ? Un de vos domestiques ? Ou bien des gens du dehors ? En ce cas, comment pourrait-on s’introduire ? Toute la question est là.

— Demain… demain… répondit Fauville, obstiné. Demain, je vous expliquerai…

— Pourquoi pas ce soir ? reprit Perenna avec entêtement.

— Parce qu’il me faut des preuves, je vous le répète… parce que le fait seul de parler peut avoir des conséquences terribles… et que j’ai peur… oui, j’ai peur…

De fait, il tremblait et il paraissait si misérable, si terrifié, que don Luis n’insista plus.

— Soit, dit-il. Je vous demanderai seulement, pour mon camarade et moi, la permission de passer la nuit à portée de votre appel.

— Comme vous voudrez, monsieur. Après tout, cela vaut peut-être mieux.

À ce moment, un des domestiques frappa et vint annoncer que madame désirait voir monsieur avant de sortir. Presque aussitôt, Mme Fauville entra.

Elle salua, d’un signe de tête gracieux, Perenna et Mazeroux. C’était une femme de trente à trente-cinq ans, d’une beauté souriante, qu’elle devait à ses yeux bleus, à ses cheveux ondulés, à toute la grâce de son visage un peu futile, mais aimable et charmant. Elle portait, sous un grand manteau de soie brochée, une toilette de bal qui découvrait ses belles épaules.

Son mari lui dit avec étonnement :

— Tu sors donc ce soir ?

— Rappelle-toi, dit-elle, les Auverard m’ont offert une place dans leur loge, à l’Opéra, et c’est toi-même qui m’as priée d’aller ensuite quelques instants à la soirée de Mme d’Ersinger.

— En effet… en effet… dit-il, je ne me souvenais plus… Je travaille tellement !

Elle acheva de boutonner ses gants et reprit :

— Tu ne viendras pas me retrouver chez Mme d’Ersinger ?

— Pour quoi faire ?

— Ce serait un plaisir pour eux.

— Mais pas pour moi. D’ailleurs, ma santé me le défend.

— Je t’excuserai.

— Oui, tu m’excuseras.

Elle ferma son manteau, d’un joli geste, et elle resta quelques secondes immobile,