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Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/50

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— Qu’est-ce que vous avez ?

— J’ai peur… j’ai peur… dit-il.

— C’est de la folie, s’écria don Luis, puisque nous sommes là tous les deux ! Nous pourrions même fort bien passer la nuit auprès de vous, à votre chevet.

L’ingénieur secoua violemment Perenna par l’épaule, et, la figure convulsée, bégaya :

— Quand vous seriez dix… quand vous seriez vingt auprès de moi, croyez-vous que cela les gênerait ? Ils peuvent tout, vous entendez… Ils peuvent tout !… Ils ont déjà tué l’inspecteur Vérot… ils me tueront… et ils tueront mon fils… Ah ! les misérables… Mon Dieu, ayez pitié de moi !… Ah ! quelle épouvante !… Ce que je souffre !

Il était tombé à genoux et se frappait la poitrine en répétant :

— Mon Dieu, ayez pitié de moi… Je ne veux pas mourir… Je ne veux pas que mon fils meure… Ayez pitié de moi, je vous en supplie…

Il se releva d’un bond, conduisit Perenna devant une vitrine qu’il poussa et qui roula aisément sur ses roulettes de cuivre, et, découvrant un petit coffre scellé dans le mur même :

— Toute mon histoire est ici, écrite au jour le jour depuis trois ans. S’il m’arrivait malheur, la vengeance serait facile.

Hâtivement, il avait tourné les lettres de la serrure, et, à l’aide d’une même clef qu’il tira de sa poche, il ouvrit.

Le coffre était aux trois quarts vide. Sur l’un des rayons seulement, parmi des tas de papiers, il y avait un cahier de toile grise ceinturé d’un ruban de caoutchouc rouge.

Il saisit ce cahier et scanda :

— Tenez… voici… tout est là-dedans. Avec ça on peut reconstituer l’abominable chose… Il y a mes soupçons d’abord, et puis mes certitudes… et tout… tout… de quoi les prendre au piège… de quoi les perdre… Vous vous rappellerez, n’est-ce pas ? un cahier de toile grise… je le replace dans le coffre…