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Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/84

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— Mazeroux, dit M. Desmalions, allez donc voir cela d’un peu plus près.

Le brigadier sortit. Perenna, qui se tenait de nouveau à l’écart, entendit le préfet de police qui répétait au juge d’instruction :

— Ah ! si nous avions une preuve, une seule ! Il est évident que cette femme est coupable. Il y a trop de présomptions contre elle !… Et puis les millions de Cosmo Mornington… Mais, d’autre part, regardez-la… regardez tout ce qu’il y a d’honnête dans sa jolie figure, tout ce qu’il y a de sincère dans sa douleur.

Elle pleurait toujours, avec des sanglots saccadés et des sursauts de révolte qui lui crispaient les poings. Un moment, elle saisit son mouchoir trempé de larmes, le mordit à pleines dents, et le déchira comme font certaines actrices. Et Perenna voyait les belles dents blanches, un peu larges, humides et claires, qui s’acharnaient après la fine batiste. Et il songeait aux empreintes de la pomme. Et un désir extrême le pénétrait de savoir. Était-ce la même mâchoire qui avait imprimé sa forme dans la chair du fruit ?

Mazeroux rentra. M. Desmalions se dirigea vivement vers le brigadier, qui lui montra la pomme trouvée sous le lierre. Et, tout de suite, Perenna put se rendre compte de l’importance considérable que le préfet de police attribuait aux explications et à la découverte inattendue de Mazeroux.

Un colloque assez long s’engagea entre les magistrats, qui aboutit à la décision que don Luis avait prévue.

M. Desmalions revint vers Mme Fauville.

C’était le dénouement.

Il réfléchit quelques instants sur la manière dont il devait engager cette dernière bataille, et il dit :

— Il ne vous est toujours pas possible, madame, de nous donner l’emploi de votre temps cette nuit ?

Elle fit un effort et murmura :

— Si… si… J’étais en auto… Je me suis promenée… et aussi un peu à pied…

— C’est là un fait qu’il nous sera facile de vérifier lorsque nous aurons retrouvé le chauffeur de cette auto… En attendant, il se présente une occasion de dissiper l’impression un peu… fâcheuse que nous a laissée votre silence…

— Je suis toute prête…

— Voici. La personne, ou une des personnes qui ont participé au crime, a mordu dans une pomme qu’elle a ensuite jetée