Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/101

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De temps à autre, les cris de Placide coupaient leur entretien. Aussitôt ils se regardaient, en hochant la tête, d’un air sombre. Ne pouvait-on découvrir un remède ?

Gaston entreprit cette cure difficile. Il se montra parfait de gentillesse, de dévouement, de patience. Et, soit hasard, soit résultat d’une influence secrète, l’enfant subit une certaine transformation. Il se développa. Son intelligence sembla s’éveiller.

La mère se réjouit, moins cependant de l’amélioration produite chez son fils que du succès obtenu par son frère.

Une année passa, puis une autre. Gaston était un petit homme, sage, ordonné, grave. Clémence le consultait. Ils bâtissaient des plans ambitieux.

Une catastrophe anéantit leur tranquillité. Clémence reçut une lettre d’Amérique. Son père venait de mourir. La veuve Lerey, ayant amassé quelque argent, annonçait son intention d’ouvrir un magasin de modes. Enfin elle réclamait son fils. Il suffisait de le conduire au Havre, tel samedi, à l’hôtel d’Espagne. Un individu de ses amis se présenterait et l’accompagnerait durant le voyage.

Clémence fut atterrée. Elle n’avait jamais prévu cette éventualité monstrueuse. Pas une seconde l’idée d’obéir ne l’effleura. Gaston faisait partie d’elle-même, comme ses yeux, comme ses mains, et elle n’admettait pas que rien pût l’éloigner de lui. Que faire ? Ne pas répondre ? La mère s’épouvanterait, croirait à un malheur, la harcèlerait de lettres et de supplications.