Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/109

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L’époque du départ approchait. Daniel vint passer une semaine à Beaulieu. Le jour de son arrivée, nous l’emmenâmes en promenade. Madame Arlange marchait à quelques pas derrière nous. Elle me parut d’humeur sombre. Je communiquai ma réflexion à Daniel. Et il me fit — je n’oublierai jamais ma stupeur — il me fit cette réponse déconcertante :

— Il ne faut pas s’en étonner : c’est le jour anniversaire de la mort de maman.

Je l’examinai, ne saisissant pas sa plaisanterie.

— Comment, la mort de votre mère ? Vous n’êtes donc pas le fils de madame Arlange ?

À son tour, il me considéra d’un air confondu. Puis, soudain, il éclata de rire.

— Ah ! c’est trop drôle ! c’est trop drôle ! Mais madame Arlange n’est pas ma mère : c’est ma grand’mère !

Je refusai d’abord de comprendre. Et, comme si j’eusse voulu lui prouver son erreur, je m’écriai :

— Allons donc ! vous l’appelez tous « maman ».

— Par tendresse, parce qu’elle a été la vraie maman qui nous à élevés. Et puis elle est si jeune !

J’objectai encore :

— Et votre nom, qui est le même ?

— Ma mère avait épousé un cousin.

Il se remit à rire. Il n’en pouvait plus. À la fin, il courut vers madame Arlange et bégaya :

— Dis donc, dis donc, il croyait que tu étais ma mère !