Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/153

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Je la regardais indéfiniment et je lui dis :

— Tu te trompes… ce que l’on cherche dans la figure, c’est l’âme, l’âme qui jaillit par les yeux…

— Non ! non ! s’écria-t-elle, l’âme est là où est la beauté… Je serais laide que mon âme serait en mon corps… Va, ne tente pas de m’abuser… Toi-même, tu le renieras, celui que tu aimais tant…

Je la regardais, je la regardais. C’était une vision idéale où me semblait concentrée toute la beauté du monde. C’était le rêve et la réalité. C’était une image de Dieu. Et, tandis que je contemplais les yeux adorables, les lèvres précieuses, les joues délicates, il me vint le souvenir confus d’épaules un peu lourdes, de jambes un peu grêles. Et machinalement je ramenai les draps sur le corps nu, pour que ne fût pas altérée ma vision d’idéal !

MAURICE LEBLANC
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