Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/181

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Elle eût pardonné une trahison, non l’insulte grossière de sa lettre. Quoi qu’il fît, il ne la reverrait plus.

II pleura. Il pleura.

Le chagrin étreignit son âme comme une proie. Il ne lutta pas, certain de sa défaite irrémédiable. Et les jours s’entassèrent.

— Qu’ils se changent en semaines, disait-il, et les semaines en mois, et que vite mes épaules se voûtent, pour que j’oublie enfin !

Ainsi luisait, très loin, sa délivrance, si loin qu’il n’y pensait pas. Marthe le hantait. Il se retraçait ses lèvres fraîches, sa poitrine ferme, son corps inaccessible. D’autres peut-être s’enivraient de cette jeunesse. L’affreuse torture ! Chassé par elle, il eût moins souffert. Mais qu’il l’eût dédaignée, stupidement, c’était le mal suprême.

Un matin, une main se posa sur sa tête ployée. L’ermite se tenait devant lui. Ils se regardèrent sans un mot, car ils ne parlaient point le même langage, et les yeux compatissants du moine lui firent du bien.

Il revint chaque jour à la pointe de Tibère. Il sentait cet homme secourable et bon. Mieux que de banales condoléances le calmait cette pitié muette. Et des effluves de paix baignaient son esprit tumultueux.

Le temps est un remède sûr. Sans révolte, il attendit que sa douleur s’usât. Et elle s’userait, puisqu’il en admettait la possibilité.