Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/41

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Et, dès lors, Diane surprit avec stupéfaction que partout, en public, au théâtre, au bal, s’improvisait la même comédie de billets insinués et de phrases chuchotées à l’oreille. Toujours, derrière son dos, elle devinait des signes furtifs, une mimique laborieuse, une correspondance affairée.

Que la conduite de son amie fût répréhensible, elle n’en doutait pas. Mais quel rôle lui réservait-on, à elle ? Pourquoi la mêler à toutes ces malpropretés ?

Elle lui ferma sa porte.

Marthe força la consigne. Pour prévenir les reproches, elle se mit à genoux devant Diane, lui baisant les mains contre son gré :

— Vous savez tout, n’est-ce pas ? et vous me méprisez… Il ne faut pas trop cependant me mépriser… il ne le faut pas sans m’entendre… Voulez-vous m’entendre ?

Diane s’émut de ce ton humble et pressa les mains suppliantes. Marthe murmura :

— Je suis très laide, dites ?

N’obtenant pas de réponse, elle reprit :

— Voyez comme vous êtes triste, triste pour moi, de ma laideur. Alors, songez à votre tristesse si vous n’étiez plus belle, tout d’un coup, laide comme moi, avec des yeux inexpressifs, une bouche vilaine et une peau flétrie.

Du doigt, elle touchait les soyeuses paupières, les lèvres exquises et la tendre chair. Et il semblait à Diane que son regard s’éteignait, que sa bouche se décolorait et que des rides souillaient la fraîcheur de son visage.