Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/48

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» Mon impuissance me terrassait. Je pris horreur de la vie. Ne trouverais-je donc pas un remède nouveau, un mode de guérison s’appliquant à quelque grand mal dont on n’aura même jamais tenté l’atténuation et le supprimant définitivement ?

» Or, un jour, une femme parvint auprès de moi et, d’un ton résolu :

« — Docteur, en l’absence de mon mari, un homme, un homme que j’aime, m’a rendue enceinte… Mon mari revient. Sauvez-moi. »

» Je n’admets pas que son air de réelle autorité m’ait influencé en quoi que ce soit. Non. Mais, dès cette minute, comme un éclair, l’Idée m’illumina. Tout l’avenir en fut éclairé. Le devoir — mon devoir plutôt, car il diffère pour tous — parut, inéluctable et simple. J’y obéis.

» Et je ne cessai d’y obéir. Des dizaines, des centaines de fois, un millier de fois, j’ai recommencé l’acte salutaire. Et jamais, vous entendez ? jamais un scrupule n’a frappé au seuil de ma conscience. J’avais raison, je le savais, je le sais encore, et, au terme de ma longue existence, je l’affirme sans incertitude : j’ai fait ce que je devais faire.

» Combien souvent, d’ailleurs, j’ai recueilli ma récompense ! Les malheureuses qui accouraient vers moi, affolées, revenaient, quelques jours après,