Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/5

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s’accuser d’une faute, d’une étourderie quelconque, pour bien prouver l’excès de leur zèle. Avec quel attendrissement l’autre pardonnait !

Et vraiment, ils ne savaient que dire, le soir d’anniversaire où la chambre nuptiale les réunit, prêts à la confession promise.

— Va, commence, fit Pierre.

Elle répondit :

— Non, toi.

— Moi ? je n’ai rien.

— Moi, non plus.

Leur gaîté jaillit en un rire loyal. Mais l’heure était grave et ils méditèrent de toutes leurs forces. Ils se comprimaient la tête, comme pour en extraire un aveu. Enfin il résolut d’interroger.

— Certes, dit-il, il ne s’agit pas entre nous de mensonges, mais de réticences, de petites supercheries. Voyons, procédons par ordre. Tu es jolie, gracieuse. On a dû te complimenter. Déjà tu m’as communiqué deux ou trois déclarations. Est-ce bien tout ? Cherche, Jeanne, est-ce bien tout ?

Elle affirma, la figure sereine :

— Absolument tout.

Il cita des noms :

— De Narfort ? d’Esproie ? Vernier ? d’Antraigue ?  ;

Elle répéta :

— D’Antraigue ?

— Oui, d’Antraigue, t’a-t-il fait la cour aussi, ce bellâtre-là ?

Elle sourit :

— En somme, oui, il m’a fait la cour, et d’assez près, même.

— Comment ! d’assez près ?… et tu ne me l’as pas dit ?

— J’ai eu peur que cela te contrariât.

— Mais pourquoi n’as-tu pas eu peur que cela me contrariât pour les autres ?

Elle réfléchit.