Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/79

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… C’est fini. L’heure est venue. Je suis plus calme. Cependant, l’épouvantable chose ! Que ne me suis-je jeté de la falaise ? Mourir très vite ! Ce sera si long…

C’est la phrase du pêcheur qui me tue : « Ça, monsieur, c’est la Grotte-à-l’Étouffe, la mer haute l’emplit. » Et l’instinct a surgi, maître. Dès qu’il se fut éloigné, je me suis rué dans la grotte.

Ma prison est petite. Un peu de sable en tapisse le fond. J’y suis couché. De la lumière filtre par une fissure invisible, là-haut…

… Je pourrais m’enfuir. L’eau ne doit pas être profonde encore. Mais cela n’est pas possible. J’ai essayé : mes jambes sont trop faibles. C’est lui qui les a brisées.

Je n’ai nullement la sensation de me tuer. On me tue, oui, mais je ne me tue pas. Que ce soit un homme ou un instinct, c’est une force en dehors de ma volonté.

Par l’orifice rond, je ne vois que de la mer bleue. Elle entre…

Oh ! si c’était un homme qui me maintînt ici, un adversaire, comme je me débattrais ! Mais l’ennemi est en moi. Il me lie les nerfs, il me coupe les muscles. Le fourbe, il me verse l’indifférence, presque l’ivresse.

Nature stupide ! l’homme ne peut donc pas naître vierge de toute empreinte, ne dépendre que de lui, de ce qu’il apprendra, de ce qu’il fera ! Pourquoi ces dépôts de vase où germent les plantes qui l’empoisonneront ?