Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/89

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Nos peines et nos joies sont factices, la peine d’aujourd’hui est la joie de demain. Car nous ne souffrons et ne jouissons qu’en illusion.

La beauté et la laideur sont relatives à qui les contemple, et nos visages diffèrent selon les jugements qu’on en porte. Les plus beaux êtres sont ceux qui recueillent les admirations les plus nombreuses. Mais ils sont beaux aussi, les vilains pour qui une admiration, même isolée, remplace l’éloge des foules.

Ainsi, elle, l’amour de l’Époux lui avait donné la croyance à sa beauté. Loin de lui, cette croyance s’évanouissait. Il était le dispensateur de l’Illusion bienfaisante. Et maintenant qu’elle en avait goûté le charme, elle ne se résignait pas à la perdre.

Elle revint à lui.

Il l’attendait, triste et miséricordieux.

Elle s’agenouilla, et, les mains jointes, dit :

— Oh ! mon cher époux, rendez-moi la beauté !

MAURICE LEBLANC
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