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Page:Leblanc - Les Huit Coups de l’horloge, paru dans Excelsior, 1922-1923.djvu/49

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réalité — et Rénine et Hortense ne s’y trompèrent point — c’était un faible, incapable de réagir contre une situation absurde, dont il avait souffert depuis son enfance, et qui s’était imposée à lui comme irrémédiable et définitive. Il la supportait ainsi qu’une lourde croix qu’on n’a pas le droit de rejeter, et en même temps il en avait honte. En face de Geneviève il s’était tu par crainte du ridicule, et, depuis, retourné dans sa prison, il y demeurait par habitude et par veulerie.

Il s’assit devant un secrétaire et, rapidement, écrivit une lettre qu’il tendit à Rénine.

— Vous voudrez bien vous charger de ces quelques mots pour Mlle Aymard, dit-il, et la supplier encore de me pardonner.

Rénine ne bougea pas, et, comme l’autre insistait, il prit la lettre et la déchira.

— Que signifie ?… questionna le jeune homme.

— Cela signifie que je ne me charge d’aucune missive.

— Pourquoi donc ?

— Parce que vous allez venir avec nous…

— Moi ?

— Que vous serez demain près de Mlle Aymard, et que vous ferez votre demande en mariage.

Jean-Louis regarda Rénine d’un air où il y avait quelque dédain, et comme s’il eût pensé : « Voilà un monsieur qui n’a rien compris aux événements que je lui ai exposés. »

Hortense s’approcha de Rénine.

— Dites-lui que Geneviève a voulu se tuer, qu’elle se tuera fatalement…

— Inutile. Les choses se passeront comme je l’annonce. Nous partirons tous les trois dans une heure ou deux. La demande en mariage aura lieu demain.

Le jeune homme haussa les épaules et ricana.

— Vous parlez avec une assurance !…

— J’ai des motifs pour parler ainsi. On prendra un motif.

— Quels motifs ?

— Je vous en dirai un, un seul, mais qui suffira si vous voulez bien m’aider dans mes recherches.

— Des recherches… Dans quel but ? fit Jean-Louis.

— Dans le but d’établir que votre histoire n’est pas entièrement exacte.

Jean-Louis se rebiffa.

— Je vous prie de croire, monsieur, que je n’ai pas dit un mot qui ne soit l’exacte vérité.