Page:Leblanc - Les Lèvres jointes, paru dans Le Journal et La Lanterne, 1897-1901.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous m’aimez, reprit-il, il faut bien que vous m’aimiez puisque vous voulez m’appartenir, alors que vous n’avez pas envie de moi. Vous n’attendez de ma part aucune joie physique, mais tout ce que je vous donne d’émotion noble, tout ce que je vous révèle de l’amour, vous voudriez, de temps à autre, le sentir dans une étreinte de moi, si faible soit-elle.

À son tour, elle se tenait courbée devant lui, la tête entre ses mains.

Il lui dit tendrement :

— Vous êtes une honnête créature, Marie-Anne ; vous m’aimez, mais il vous faut des caresses plus ardentes que les miennes, des bras qui vous serrent plus violemment. Ce n’est pas votre faute. C’est le mal de votre chair et vous me l’avouez loyalement. J’accepte. Nous souffrirons beaucoup tous les deux. Oui, affirma-t-il sur un geste de Guillaume, c’est vous et moi qui porterons tout le poids de cette souffrance, car nous sommes seuls capables de la sentir dans tout ce qu’elle a d’humiliant pour notre orgueil. N’importe ! j’accepte. Nous aurons sans doute de grandes récompenses.

Marie-Anne pleurait. Il lui découvrit le visage.

— Donne-moi tes lèvres, mon aimée.

Ils se baisèrent la bouche infiniment, puis Philippe se releva et dit à Guillaume, d’un ton de maître :

— Tiens, donne-lui de la joie maintenant… je te le permets.

Et il sortit.