Page:Leblanc - Les Lèvres jointes, paru dans Le Journal et La Lanterne, 1897-1901.djvu/195

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Un soir, dès son arrivée, Lucien Hardol pria Marthe de le laisser en tête à tête avec M. Dudouy. Ils causèrent une heure. Quand elle rentra, ils étaient dans les bras l’un de l’autre. Son père pleurait.

— Viens, Marthe, je veux dire devant toi combien j’ai méconnu mon ami, mon meilleur ami. Et, maintenant, écoute-le.

M. Hardol semblait plus ému encore. Il ne put que balbutier quelques mots. Elle comprit qu’il la demandait en mariage. Et tout de suite il la supplia de ne pas répondre, d’attendre, de réfléchir.

Mais le lendemain, la trouvant seule, il lui dit :

— Confiez-vous à moi, Marthe ; en vous sollicitant, je n’ai pas d’autre but que votre bonheur. Moi, je ne compte plus ; il s’agit de vous qui êtes pauvre et dont la jeunesse est horrible. Je veux que vous soyez riche et surtout heureuse. Vous entendez, Marthe, c’est le bonheur que je vous apporte… Je vous promets le bonheur, la réalisation de tous vos rêves… quels qu’ils soient… Ah ! si vous pouviez me croire !

De quels yeux sincères il l’implorait ! Jamais elle n’avait éprouvé pareille sympathie, jamais vers personne un tel élan de ses meilleurs instincts. Elle accepta.

Les fiançailles furent brèves. Marthe s’y montra plutôt souriante et paisible, quoique l’idée l’assombrit, à certaines minutes de détresse, d’épouser cet ami grave, aux cheveux presque blancs, un vieillard pour elle. Mais il avait des prévenances si délicates, et un air de bonté si craintif !