Page:Leblanc - Les Lèvres jointes, paru dans Le Journal et La Lanterne, 1897-1901.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il interrogeait ses yeux purs, et, voyant qu’elle ne comprenait point, il sortit de sa poche une lettre et la lui tendit.

— Tenez, Marthe, voici les dernières lignes que votre mère a écrites ; elles vous sont adressées.

Elle lut et laissa tomber la lettre à ses pieds. Elle le regardait, toute pâle. Il tremblait, lui, anxieux des premiers mots qu’elle dirait. Mais son angoisse le contraignit à parler.

— Mon enfant, ne vous effrayez pas. Si j’ai agi de la sorte, malgré… malgré la chose… c’est en toute conscience, avec la certitude que j’en avais le droit et que le dénouement était à portée de nous.

Elle dit simplement :

— Ainsi… vous êtes mon père…

Éprouvait-elle pour lui des sentiments d’affection ou d’horreur ? Il s’écria d’une voix forte :

— Eh ! bien, oui, ton père, Marthe, ton père dont c’était le devoir de te sauver et de te rendre à la vie. Juge les choses de haut, mon enfant. Qu’importe la signature que nous avons échangée tantôt ! Rien au monde peut-il faire que nous soyons autre chose que père et fille ? Quel changement la journée d’aujourd’hui amène-t-elle à notre situation ? Le mariage n’est pas là, tu es assez grande pour le savoir. Je suis ton père et tu es ma fille, c’est le seul lien qui nous unisse : le reste n’est que convention et mensonge.

Elle prononça lentement :

— Ne pouviez-vous me dire la vérité ? Était-il besoin de cette cérémonie ?