Page:Leblanc - Les Lèvres jointes, paru dans Le Journal et La Lanterne, 1897-1901.djvu/98

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L’heure était douce et grave. Sous l’herbe du vallon, la rivière chuchotait. Fut-ce besoin de confidence, bavardage de vieille, excès de mélancolie ? Toujours est-il qu’elle parla sans qu’il la dût beaucoup presser. Ce ne fut pas long, quelques phrases courtes : toute vie d’ailleurs ne-tient-elle pas en quelques phrases, en quelques mots ?

— J’ai été heureuse, monsieur ; oui, pendant dix ans, j’ai été très heureuse. J’aimais mon mari, un bon et brave homme, et j’aimais mes enfants. Oh ! mes enfants ! J’en avais cinq. Vous entendez ? Cinq : trois filles d’abord, et puis deux garçons. On vivait près de Paris, dans une jolie maison… Et puis, voilà les choses qui se sont passées en un mois, pas plus d’un mois. Un soir, mon mari rentra, fiévreux, grelottant…