Page:Leblanc - Les Milliards d'Arsène Lupin, paru dans L'Auto, 1939.djvu/25

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six pieds, parut, sortant de l’ombre du quai, et accourut à l’appel du « Sauvage ». Avec son aide, le Sauvage terrassa Patricia, la courba en deux.

« Tiens-la, Albert ! Attends ; voilà une gentille petite cage où elle ne pourra ni griffer ni se sauver ! »

Il avait avisé sur le quai un des tonneaux vides. Secondé par le colosse, il enleva la jeune femme et brutalement la fourra, toujours pliée en deux, dans le tonneau d’où sa tête émergeait seule.

« Prends ta faction près d’elle, Albert, ordonna le Sauvage, et si elle essaie de crier ou de sortir de là, un bon coup de galoche sur la tête pour qu’elle rentre dans sa coquille, comme un colimaçon. Dans une heure, je serai de retour. Tu sais où je vais, hein ? Je n’ai fait que la moitié de la besogne, il faut que je finisse ! Battons le fer pendant qu’il est chaud. La chance est pour nous, profitons-en, et t’auras ta part sur la mienne. À tout à l’heure, Patricia. Si tu as un peu froid, ma chambre est proche, au Bar de l’Océan, je t’emmènerai t’y réchauffer. Et toi, le matelot, tu te rappelles la consigne ? Un coup de galoche sur la tête, ou bien, pour la faire taire, un baiser ! Elle adore ça ! »

Il ricana ; ramassa la serviette de cuir fauve qu’il avait déposée sur un sac, et s’éloigna.

Patricia, dans le tonneau où elle était captive, ne sentait pas la gêne de cette situation ridicule. La peur et l’horreur l’enfiévraient. Le dégoût s’y mêla bientôt. Le matelot, dès le départ du Sauvage, s’était penché sur elle, approchant son visage si près du sien, qu’elle sentit, le cœur soulevé, son haleine empestée de vin et de fumée.

« Paraît que t’adore ça ? dit-il d’une voix basse et canaille. On pourra s’entendre alors. Le Sauvage, je m’en f… ! Un baiser, donné de bon gré, et je te tire du tonneau.

— Tire-m’en d’abord, souffla Patricia, qui voyait en cette répugnante brute un possible libérateur.