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JE SAIS TOUT

de lignes fixes qui avaient une expression déchirante, de même qu’à d’autres moments elles ont ri de l’expression comique ou joyeuse qu’elles étaient forcées d’attribuer à ces mêmes lignes.

Et toujours le spectacle dont je rends compte ici se répéta dans un ordre identique. Une certaine pause, que suivit une série de vibrations. Puis, tout à coup, trois éclipses. Après quoi, la composition générale des trois triangles se mit à tourner sur elle-même, d’un bloc, lentement d’abord, et ensuite avec une vitesse croissante, qui se transforma peu à peu en une rotation si rapide qu’on ne distinguait plus qu’une rosace immobile.

Et puis, plus rien. Le panneau vide…

III

Une exécution

Il faut bien comprendre que, malgré les explications auxquelles je suis contraint, le développement de tous ces faits n’exigea que très peu de temps… exactement dix-huit secondes, comme j’eus plus tard l’occasion de le compter. Mais, pendant ces dix-huit secondes, autre constatation qu’il me fut donné de faire maintes fois, on avait l’illusion d’assister à un drame complet, ayant son exposition, son intrigue et son dénouement. Et quand ce drame, illogique et obscur, était terminé, on doutait de ce que l’on avait vu, comme on doute du cauchemar qui vous réveille.

Pourtant, il faut bien se dire que rien de tout cela ne participait, en quelque façon que ce fût, de ces fantasmagories absurdes qu’il est trop facile d’inventer, ni de ces conceptions arbitraires sur lesquelles s’échafaude tout roman soi-disant scientifique. Il ne s’agit pas de roman. Il s’agit d’un phénomène physique, d’un phénomène extraordinairement naturel, dont l’explication, quand on la connaît, est extraordinairement naturelle.

Et je supplie ceux qui ne la connaissent pas, cette explication, de ne point essayer de la deviner. Qu’ils ne s’embarrassent pas de suppositions et d’interprétations ! Qu’ils oublient au fur et à mesure les hypothèses où moi-même je m’attarde, tout ce qui est rayon B, matérialisations, influence de la chaleur solaire ! Ce sont là autant de routes qui ne mènent à aucun but. Le mieux est de se laisser conduire par les événements, d’attendre et de croire.

— C’est fini, n’est-ce pas, mon oncle ? murmurai-je.

Il me répondit :

— C’est le début.

— Comment ? Le début de quoi ? Que va-t-il se passer ?

— Je ne sais pas.

Je fus stupéfait.

— Vous ne savez pas ? Mais vous saviez tout à l’heure… pour cela… pour ces yeux étranges…

— Tout commence par cela. Après viennent d’autres choses que j’ignore et qui changent.

— Est-ce possible ! lui dis-je, est-ce possible que vous les ignoriez, vous qui les avez préparées ?

— Je les ai préparées, mais je n’en suis pas le maître. Je te l’ai dit, j’ai ouvert une porte sur les ténèbres, et, de ces ténèbres, il monte des lumières imprévues.

— Mais ce qui va venir est-il de la même nature que ces yeux ?

— Non.

— Alors, mon oncle ?…