Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/102

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Elle ne perçut pas ces défectuosités, le jugeant sur sa figure, qu’il avait correcte et belle. Ses succès parmi les bonnes d’hôtel et les petites bourgeoises l’armaient d’une assurance imperturbable. Au café, en jouant la manille, il affichait des théories de don Juan qui émerveillaient ses adversaires.

— Amédée Richard fils ? disait-on, c’est un casseur de cœurs, il a toutes celles qu’il veut…

Et on lui supposait des liaisons avec des dames du monde.

Cette fois-ci cependant la rapidité de son triomphe l’étourdit. Quand il s’arrêtait, elle le dépassait, puis s’arrêtait à son tour devant les vitrines. Ils parcoururent ainsi la rue de la Grosse-Horloge. Au Vieux-Marché ils s’avançaient côte à côte. Il sifflota l’air de la Favorite :

Un ange, une femme inconnue…


Elle le gratifia d’un regard d’intelligence. Rue de Crosne, recourant à son stratagème ordinaire, il visa le bout de l’ombrelle dont elle se servait comme appui, et y posa brusquement le pied. L’ombrelle tomba. Mais le manche, un manche japonais d’un travail délicat, se brisa sur le pavé, et Richard n’en put recueillir que d’infimes morceaux.

Il se confondit en excuses. Son chagrin sem-