Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/112

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— Et vous, méchante, vous ne m’embrassez pas ?

Elle répondit par un baiser. Un bruit de voiture les sépara.

La côte terminée, ils franchirent une large plaine et entrèrent dans la forêt. Le chemin contournait la maison du garde et se déroulait ensuite en ligne droite, à perte de vue, solitaire.

Amédée mit son cheval au pas. Ils recommencèrent leurs caresses en toute sécurité. De chaque côté courait un talus garni de fourrés épais, que çà et là dominait la masse d’un chêne. Puis il y eut des échappées sur de lointaines profondeurs, rayées de grands troncs lisses de hêtres. Et l’on pouvait voir aussi dans les taillis la fuite, vers un point de soleil, de sentiers romanesques, pareils à des tunnels de verdure.

Mais eux ne regardaient rien. Ils ne disaient rien non plus. Les lèvres unies, ils n’osaient bouger, non qu’ils craignissent d’interrompre leur jouissance, mais ils redoutaient la nécessité d’une conversation. De quoi s’entretenir ? Quel sujet entamer qui fût capable de les intéresser et de mettre leurs âmes en contact ? Deux jours avant ils ne se connaissaient point. Il ignorait tout de sa vie. Son passé, à lui, restait impénétrable. Et ils s’étonnaient eux-mêmes de se trouver ensemble dans ce coin de forêt, dans cette voiture, bouche contre bouche.