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Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/142

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— Je vous y pince à m’être infidèle. Si vous tenez à mon pardon, il faut m’escorter.

Il obéit machinalement. Aussitôt Mme Chalmin reprit :

— Allons, parrain, expliquez-moi votre conduite. Il y a quelques mois, on ne voyait que vous, vous m’aimiez, vous soupiriez, et puis, tout à coup, vous me faites faux bond sans même m’avertir.

Il avançait péniblement, par un effort visible, le dos courbé. À la clarté d’un réverbère, elle constata l’altération de ses traits.

Il repartit avec lassitude :

— Hélas ! tu n’as pas à être jalouse, rien ne pourra me délivrer de toi. Et puis, que t’importe ! n’en as-tu pas d’autres que moi pour t’aimer ? Tu le sais bien, c’est cela surtout qui m’éloigne. J’en souffre trop.

Elle eut pitié de lui et gaiement :

— Non, vrai, parrain, vous avez pris ça au sérieux, vous, un vieux « routier », comme vous dites ! Vous n’avez pas vu que je plaisantais !

Après une pause, elle grommela d’un ton pincé :

— Quelle belle opinion vous avez de moi !

Il ne la crut pas, mais un peu de bien-être l’envahit, et comme à la foire, elle tentait de se débarrasser de lui, il supplia :

— Je t’en prie, laisse-moi t’accompagner,