M. Bouju-Gavart attendit une heure entière. D’abord il flâna devant les étalages. Des légions de poupées, des carrés de pain d’épice, des tas de nougats, des couteaux, des lorgnettes, attirèrent successivement son attention. À tout instant, il consultait sa montre, étonné de ce retard. Place Beauvoisine, les cloches et les tambours des saltimbanques faisaient un tumulte discordant. Sur une estrade, un couple, qui vendait des romances, chantait en raclant du violon, à la lueur triste d’une bougie.
Il les écouta, déchiffra l’enseigne d’une auberge, une croix enlacée par un cygne, avec ces mots en grosses lettres : « Au Cygne de la Croix », puis redescendit le boulevard. Une inquiétude germait en lui. Il flaira quelque infamie et se remémorant les dures souffrances déjà supportées, ses fuites, ses guérisons, ses rechutes, il se repentit amèrement de l’avoir accompagnée.
Un souvenir l’assaillit : la semaine précédente, Chalmin s’était plaint des dépenses de sa femme chez un Russe. À tout hasard, il s’informa près d’un marchand de jouets. On lui montra la boutique de Markoff. Elle était close.
Une peur lui brisa les jambes. Il dut s’adosser à un arbre, et il attendit, les yeux fixés sur l’endroit désigné. Il en vit sortir Mme Chalmin.