Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/214

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— Elle est inconvenante, ton amie !

Une série de belles journées printanières favorisant cette année-là, Lucie fréquenta beaucoup la rue. La variété des gens que l’on y coudoie, tout l’inconnu que charrie le trottoir, le mystère qui peut surgir de chaque pavé, la conviaient bien plus que la monotonie du monde et de ses intrigues possibles.

Elle y cueillit, outre plusieurs poursuites, deux aventures.

C’est sur le quai, au coin de la rue de Fontenelle, que Lucie remarqua un jeune homme en vareuse et en pantalon de molleton gros-bleu, coiffé d’une casquette de marin. Le hâle de sa figure et l’éclat de ses yeux lui imposèrent une immédiate admiration qu’exprima son regard. Et elle passa, toute droite, sûre de l’effet produit.

Celui-là, elle le promena dans le quartier du Mont-Riboudet, un quartier en voie de transformation, dont, le soir, elle décrivit à Robert l’aspect mouvementé. Or, en quittant le quai de Lesseps, il la devança, et sa marche était si impérieuse, son air si décidé, qu’à son tour elle le suivit. Ils longèrent le fleuve. En face de l’avenue de la Madeleine, il s’arrêta.

Un yacht de plaisance stationnait, coquet et luisant, d’une belle couleur d’acajou. Sur le quai fumait un matelot.