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Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/234

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Mais ni le lendemain, ni les jours suivants, elle ne trouva la moindre lettre. Deux semaines s’écoulèrent. Cette indifférence l’irrita. Plusieurs fois elle se rendit sous ses fenêtres. Puis, un soir, elle eut la hardiesse de sonner. Il ouvrit lui-même.

L’humilité de sa démarche éveilla chez Lucie un besoin de récriminations. Il parut stupéfait et entassa d’innombrables prétextes. Il promit des lettres quotidiennes. Il n’en fut rien. Une autre période de silence commença.

Mme Chalmin souffrit. Elle souffrit d’une sorte de malaise irraisonné qui la chassait de sa maison et la jetait dans la rue, en quête de son amant. Sa vanité blessée criait. Elle ne s’expliquait pas cet affront, le premier qu’on infligeât à sa beauté.

Elle le haïssait, ce Javal, et néanmoins se sentait, en songeant à lui, misérable et sans défense. Peut-être aussi une affinité de nerfs et d’instincts l’attirait-elle vers cette nature d’homme. Elle soigna son chagrin, fière de l’éprouver, le crut immense, parce que deux ou trois sanglots la secouèrent.

Elle lui écrivit. Il envoya deux lignes d’excuse. De graves ennuis l’assiégeaient. Dès qu’un peu de répit lui serait accordé, il l’en avertirait. Elle patienta, puis le prévint qu’à moins d’avis contraire elle irait chez lui le surlendemain.