Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/236

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Il désigna la plus grande. Elle la sortit de l’anneau et l’empocha. Et comme il réclamait, elle lui dit, les traits anxieux :

— Pourquoi ? Je suis la seule femme que tu reçoives ici, tu m’es fidèle, n’est-ce pas ? Eh bien !…

Il dut céder. Alors elle vint tous les jours. Qu’il y fût ou non, elle s’installait. Elle rangea. Les armoires mirent en jeu sa science de ménagère. Les chemises et le linge formèrent des piles. Elle couvrit elle-même les murs du salon d’une étoffe rose. Elle garnissait aussi les vases de plantes et de fleurs.

Pierre s’attachait à sa maîtresse. Sa demeure lui semblait moins vide. Puis Lucie l’intéressait par tout ce qu’il devinait en elle d’analogue à lui, par son existence en révolte contre les lois du monde. Il lui arracha le récit détaillé de ses aventures. Rebelle d’abord à toute confidence qui pût le désillusionner, elle constata bientôt que chacune de ses fautes le délectait. Amédée Richard fils l’enthousiasma.

— Vrai, Bichon a pris le trot ! C’est tordant…

Il se passionna pour Markoff. Des détails sur parrain l’induisirent en des accès d’hilarité.

— Sacrée coquine, mâchonnait-il, ah ! tu es rudement forte, tu ne t’ennuies pas !

Lucie exultait. Jugeant Pierre sceptique et gouailleur, elle craignait toujours de lui paraître