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Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/241

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— Je paye un homme, se disait-elle, je l’entretiens.

Elle ne le méprisait d’ailleurs nullement. Elle aurait tout voulu lui donner ce qu’elle possédait, et qu’il fût riche, lui qui méritait de l’être.

La confusion de Pierre, cependant, gâtait sa joie. Aussi déployait-elle pour ménager sa susceptibilité un tact adorable. Elle oubliait son porte-monnaie sur la cheminée, lui emplissait les poches d’argent durant son sommeil, ou bien lui proposait de grosses parties d’écarté qu’elle faisait en sorte de perdre. Toutes ses économies s’en allèrent.

De temps en temps, un dégoût de lui-même soulevait le cœur de Javal. Il accusait alors Lucie de son abaissement :

— C’est toi qui m’as poussé jusque-là, peu à peu, par calcul, afin de m’enchaîner à toi.

Et il la rouait de coups. Mais son repentir ensuite était si sincère !

Il joua. La déveine le poursuivit. Il dut solder d’assez fortes différences. Lucie lui apporta ses brillants d’oreille, présent de Lemercier. Et, avec une intention délicate, voulant se mettre à son niveau et que leur indignité mutuelle semblât égale à Pierre, elle lui avoua :

— Cela ne me privera pas, je ne pouvais m’en servir, car c’est… quelqu’un… qui me les a donnés.