Aller au contenu

Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de cette trahison. La faute de sa maîtresse l’honorait, lui, plus qu’une fidélité banale. La vénération qu’elle lui consacrait diminua.

Pourtant elle accepta de M. Lesire d’autres rendez-vous grassement rétribués. Javal en profitait sans la remercier. Elle ne s’en offusquait plus. Le renoncement trouve sa rémunération en lui-même. Appréciée ou non, elle persévérerait dans ses devoirs d’amante. Mais, de plus en plus, Javal perdait de son prestige : il ne comprenait pas.

Les largesses de Chalmin alimentaient aussi les subsides fournis à Pierre. Il avait presque doublé la pension qu’il allouait à sa femme pour les frais du ménage. Lucie opérait, en faveur de Javal, des prodiges d’économie et réclamait toujours de nouveaux fonds. Jamais son mari ne refusait. Des inventaires magnifiques clôturaient chaque année. L’argent affluait.

Il organisa leur train de maison sur un pied plus luxueux. Ne doit-on pas se tenir au rang social que vous assigne votre fortune ? Au déjeuner, la nappe blanche remplaça la toile cirée. Le soir, un plat supplémentaire fut servi. Madame eut un chien d’appartement. Au lieu d’une pipe, monsieur fuma d’excellents havanes achetés en boîte.

— Que diable, s’écriait-il gaiement, jouissons de notre jeunesse : la vie est courte, il faut la prendre par le bon bout.