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Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/256

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Leur liaison se traînait péniblement. Toujours persuadée qu’elle l’adorait, Mme Chalmin agissait comme aux premiers temps. Elle ne quitta pas Rouen de tout l’été. Elle lui donnait de l’argent avec la même délicatesse, jusqu’à des pièces de cent sous qu’elle enfouissait parmi ses chemises et ses mouchoirs. Par habitude, elle causait encore de son divorce prochain. Elle ébauchait des projets. On voyagerait, puis on habiterait Paris. Ce qu’il adviendrait de son enfant, elle n’en savait rien, n’y pensant pas, non plus qu’à sa mère, ni à son mari. Seul lui importait leur avenir à eux deux.

Elle collectionna les injures et les sévices graves que Robert, prétendait-elle, ne lui épargnait point. De quel air content elle annonça :

— Mon cher, je le tiens, il m’a dit hier devant la bonne : « Tu es plus bouchée qu’une buse. »

Cet heureux événement laissa Pierre insensible. Il s’assombrissait, écrasé de dettes, perdait son insouciance de beau joueur. Le moment approchait, à moins d’un miracle, où tout s’écroulerait autour de lui.

Il devint agressif. Des fureurs l’agitaient. Une jalousie tardive l’assaillit, que sa maîtresse aiguillonnait cruellement. Il ricanait :

— Quel est le nouvel amant du jour ?

Elle fabriquait des noms.