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Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/318

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Les jours suivants, la pluie tomba. Chalmin vaguait à travers la maison. La santé de sa femme ne le tourmentant plus, il enrageait que le temps lui défendît de visiter les environs. Son aspect désœuvré agaça Lucie. Ils n’avaient plus rien à se dire. Ils s’ennuyèrent beaucoup ensemble.

Mais à peine seule, elle lui restitua tout son prestige. Laissant dans l’ombre les impressions mauvaises, elle mit en lumière les heures d’épanchement où leurs êtres vibraient à l’unisson.

Quelques semaines achevèrent de rétablir Mme Chalmin. Le docteur lui donna sa liberté. Avant le déjeuner, elle arpentait la promenade ; l’après-midi, elle écoutait avec sa mère la musique au square municipal, puis elles allaient s’asseoir au jardin d’hiver du Casino. Elles firent aussi de nombreuses excursions en voiture.

Et l’hiver fuyait. Rien maintenant ne différenciait Lucie des personnes rencontrées. Elle avait les mêmes prérogatives et les mêmes occupations, elle eût pu se procurer également les mêmes plaisirs.

Pourtant cela ne la tentait pas. Si son corps était sauf, son âme était tout endolorie. La tension d’esprit que la multiplicité de ses intrigues exigeait jadis, l’extraordinaire surmenage de toutes ses facultés, puis le contre-coup formi-