Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/322

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est mauvaise aux coupables. Leurs crimes se découvrent grâce à la lente fermentation des racontars et des hypothèses. Des coïncidences s’éclaircissent. Les accusations disséminées se rapprochent, s’étayent, forment un tout compact.

D’affreux pressentiments l’envahirent. Elle prévit des accueils froids et des figures glaciales. Elle eut hâte de retourner à Rouen pour tenir tête aux calomnies.

Cette effervescence amena un mouvement de fièvre. Elle se fit d’amers reproches. À quoi bon se tourmenter ? Elle ne retourna plus au Casino.

Et la saison s’acheva sans rien de saillant. Le carnaval désappointa ces dames. Elles assistèrent, d’un balcon, aux batailles de fleurs, puis, d’un autre, aux batailles de confetti. Elles ne s’y amusèrent pas. La gaîté du peuple leur parut grossière et factice.

Le printemps survint. Elles parcourent assidûment la route de Monaco. Les fleurs embaument. Des haies de roses sauvages bordent le chemin. Les oliviers épanouissent leur feuillage délicat et poussiéreux. Des enfants lancent dans la voiture de petits bouquets sales. Lucie se renversait et ruminait des songeries vagues et incohérentes.

À Monte-Carlo, la peur des émotions la chassait des salles de jeu. Elle préférait les concerts.