Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/333

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Robert proposa même une soirée avec la « tête » obligatoire et le déguisement facultatif.

Depuis longtemps il rêvait de se costumer en don Quichotte, travesti qui siérait à sa longue taille, à ses moustaches et au caractère général de son individu.

— Ce bougre de don Quichotte, disait-il souvent, je le vois si bien, j’entrerais si profondément dans la peau de mon bonhomme !

Il se munit d’un Cervantès à gravures coloriées et ils le compulsèrent sans relâche. Une divergence d’opinion les divisa. Chalmin optait pour un don Quichotte cuirassé, botté, casqué, armé de sa lance et de sa rapière. Lucie préférait le héros sous un aspect plus gracieux, galant, pomponné, en pourpoint de soie.

Robert transigea. Il adopta le satin, les rubans, les crevés, les bouillonnés. Mais à aucun prix il ne voulut sacrifier la lance et le casque à salade.

— Tout le bonhomme est là, ma chère, supprime les accessoires, et il n’existe plus.

La réussite de ce bal dépassa leurs prévisions. La haute société de Rouen y afflua. Lucie, en bohémienne, conquit tous les suffrages. Parmi les cavaliers inscrits sur son carnet de danse, elle compta quatre de ses anciens amants. On loua sa tenue et son tact.

Robert fut un don Quichotte désopilant, su-