Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/55

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et tout son désir se concentra sur cette bouche tentante, à demi ouverte. Alors, brusquement, ses lèvres s’y ruèrent.

Ce contact le bouleversa. Il eut peur. Doucement, il écarta la jeune femme et attendit. En se réveillant, elle le fixa de ses yeux d’ingénue, de ses yeux clairs qui ne se souvenaient de rien :

— J’ai dormi beaucoup, n’est-ce pas ? dit-elle.

Ce regard calme le navra, car il se prévalait déjà de l’abandon de Lucie comme d’une première victoire.

Le lendemain, Robert arrivait. De ce jour, sans aucun motif, sans qu’elle s’aperçût de son revirement, elle changea ses manières avec « parrain ». Elle devint taquine, agressive, méchante. Le malheureux en perdait la tête.

La veille du départ, elle lui lança :

— Il ne vous a pas réussi, le traitement, vous êtes cadavérique.

Il lui saisit le bras et, d’une voix humble :

— Je t’en prie, petite, sois bonne.

Ce ton l’émut, mais elle se demanda pourquoi il avait l’air triste.

Les Chalmin passèrent une partie de l’automne à Croisset. Prudemment, M. Bouju-Gavart n’y fit que de brefs séjours. Ses absences déroutaient Lucie. Réduite à Mme Bouju-Gavart