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Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/58

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— Lesquelles ? exigea Lucie.

Il repartit, un peu irrité :

— Lesquelles ? celles que me fournit à tout instant la rumeur publique. Je ne puis aborder quelqu’un sans que l’on s’écrie : « Vous savez, Mme Berchon est au mieux avec M. Guéraume, on les rencontre ensemble à tous les coins de rue. »

— Qui, on ?

— Mais tout le monde, notre entourage, les fournisseurs, le premier venu ; c’est la fable de la ville.

Et comme Lucie protestait, Robert déclara d’un ton sec :

— Enfin, ma chère, voici ma conclusion ; il ne me convient pas qu’on dise de ma femme : « C’est l’amie de Mme Berchon. » Si tu veux m’être agréable, tu couperas court à une intimité dont ta réputation pourrait souffrir.

Lucie garda rancune à Robert de sa propre imprudence. Cela la vexait qu’il l’eût prise en faute et lui inspirait le désir d’actes analogues, qu’elle saurait, cette fois, mieux dissimuler.

Le monde, lui, se laisserait duper moins aisément. Elle le redoutait déjà comme une sorte d’être vivant aux yeux innombrables. Il est sans cesse à l’affût. C’est un justicier inflexible qui condamne toujours ceux qu’il accuse lui-même. Mais dès lors la terreur de Lucie s’accrut. Il