Aller au contenu

Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

aucune forme voilée. Au sortir de l’eau, il voulut la couvrir de son peignoir. Ses mains tremblaient. Il y dut renoncer.

Ils revinrent par la plage, le long de la mer. Et tout de suite il parla :

— Ce n’est pas bien, ce que tu fais, Lucie. Je n’ai rien à t’apprendre, puisque tu sais tout, et pourtant on dirait qu’il t’en faut davantage. Qu’as-tu besoin de mots, quand tous mes actes te révèlent mon secret ? C’est de cela surtout que je souffre, de ton ignorance du mal et de ta méchante envie de le connaître. Eh bien, oui, je suis fou ! Jamais une femme ne m’a remué comme toi, tu me bouleverses, tu m’effrayes…

Encore une fois il se tut. Il lui était impossible d’achever cette monstrueuse déclaration. Lucie fut près de lui crier : « Allez donc, cela m’amuse. » Et elle se serrait contre son compagnon, appuyait sa poitrine sur son bras et le tentait avec la fraîcheur de ses lèvres et de son visage souriant, levé vers lui.

Mais déjà il reprenait, changeant insensiblement la conversation :

— Tu entends, petite, pas une ne m’a remué comme toi. Et cependant j’en ai eu, et de nombreuses, des jolies et des laides, de celles qui se vendent et de celles qui se donnent : j’en ai eu de toutes les classes, de la nôtre et de la plus vile, des dames et des pauvresses — car je les