Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/74

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canailleries de coureur. Il citait en badinant des vierges séduites, des épouses débauchées, des ménages désunis. Il énumérait ses trahisons et ses férocités. Et elle en arrivait à considérer ces choses comme des faits naturels et fréquents, de glorieux exploits. Chaque jour s’effritait son rigorisme ; chaque jour, ainsi que d’un édifice dont les pierres se disjoignent, se détachait d’elle une croyance ou un préjugé. Des parties de son être moral tombaient en poussière. Sa conscience pourrissait par places.

Cambrant les reins, dressant la tête, la moustache fière, l’ancien commerçant étalait sa dépravation banale sur le ton pédant d’un homme à bonnes fortunes qui daigne professer :

— Les apparences, tout est là. Le monde nous juge, comme le passant juge la maison, d’après la façade. Que notre façade soit propre, peu lui importe le reste. Moi, c’est ma règle. En affaires j’ai été d’une probité scrupuleuse, car, là, le contrôle est aisé. J’ai gagné ma richesse honnêtement, laborieusement, j’ai donné à Mathilde le plus de bonheur possible et à mon fils les moyens de s’instruire. Donc ma tâche est accomplie. Maintenant j’ai un faible, les femmes. Ce faible est répréhensible. Dois-je pour cela le supprimer ? Qui en pâtit ? Personne. Alors pourquoi me priver ? L’essentiel est de jouer serré et de ne pas faire de faux pas.