Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tèrent leurs amis à Croisset et mirent une voiture au service de Chalmin.

Après une absence de plusieurs années, consacrées à son volontariat et à ses études de droit à la Faculté de Caen, leur fils Paul arrivait d’un voyage en Suisse. Il s’installa chez ses parents.

Grand, mince, les joues roses, le visage d’une finesse toute féminine, il passait pour beau garçon, profitant de la réputation que sa mère avait laissée. D’intelligence moyenne, d’esprit alerte, libéré de tout scrupule encombrant, il comptait s’inscrire au barreau de Rouen, s’amuser pendant son stage, puis se marier, devenir ambitieux et atteindre à quelque charge publique. Il traversait à cette époque une crise amoureuse qu’il appelait de la passion, et se décernait en conséquence une nature romanesque.

Sa présence fut pour Lucie un grand élément de distraction. Tout de suite se rétablit leur entente d’autrefois, sans calcul d’une part, sans coquetterie de l’autre. Amateur de canotage, Paul entraînait la jeune femme à de longues excursions en Seine. Et quand le soleil se couchait, ils revenaient paresseusement le long de la berge, les rames lentes, la parole facile.

À l’affût maintenant de ces questions, Lucie le fit bavarder sur ses maîtresses. Son premier secret divulgué, il lâcha tout, d’un trait, livrant