Aller au contenu

Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

illumina sa figure. Ses fossettes se creusèrent, symptôme chez elle de contentement. Robert la félicita :

— Il t’est donc arrivé du bonheur ?

Elle repartit :

— Non, mais je me porte bien, j’ai de la gaieté plein moi.

L’idée qu’elle recevait à la fois les confidences du père et du fils la ravissait. Elle les regardait alternativement, s’enquérait de leurs gestes, étudiait leurs façons de boire et de manger, enfin les mettait en concurrence l’un avec l’autre. Et elle les comparait également dans leurs maîtresses, selon l’image confuse qu’elle s’en forgeait, louant ou critiquant leurs choix, se représentant leurs attitudes et leurs procédés auprès d’elles. La possibilité d’une lutte entre eux la frappa. Ne se pouvait-il pas, en effet, qu’ils s’éprissent de la même femme ? Si c’était moi ! se dit-elle. Pourquoi non. Le père l’aimait déjà. La conquête du fils était aisée. Elle se divertit à la perspective de ce double amour dont elle serait l’objet.

Cette tâche l’absorba plusieurs jours. Elle fit subir à Paul les agaceries employées vis-à-vis de M. Bouju-Gavart. Elle lui dévoilait son ennui, se renversait au fond de la barque en des poses incommodes, et le provoquait par des frôlements de corps et des impudeurs tranquilles.