Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et elle se jugea soudain criminelle de dérober au monde un tel idéal de perfection. « Une femme comme moi, se dit-elle, devrait marcher toute nue. »

Les éloges qu’elle pouvait à peine arracher à Robert lui firent hausser les épaules. Ce qu’il lui fallait, c’était l’enthousiasme des foules. Elle souleva le rideau de sa fenêtre, au risque d’être aperçue. Puis se recouchant, elle bâtit des rêves où des hommes, éblouis de sa splendeur, s’agenouillaient devant elle, les mains jointes, et balbutiaient leur extase, en des hymnes d’adoration.

Dès lors, son caractère se modifia, Robert dut supporter des mauvaises humeurs inexplicables. Il ne prononçait pas un mot qu’elle ne le contredît. Elle lui infligea des querelles à propos de bêtises, et le boudait ensuite comme s’il eût été fautif. Elle rudoyait les domestiques. Il n’était point de jour qu’on ne l’entendît crier dans la maison.

Elle fut vraiment malheureuse, moins d’une souffrance déterminée que d’une absence de joies. Quelque chose lui manquait. Sans vouloir préciser vis-à-vis d’elle-même la nature de ces joies auxquelles elle aspirait, elle en sentait le besoin. Et ce besoin grandissait, devenait une impérieuse nécessité. Elle finit par se l’avouer, elle souhaitait ardemment une aventure quel-