Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/121

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pauvres. L’autre moitié revient à Violette, mais elle m’a abandonné l’usufruit à charge d’entretenir ses oiseaux. Pour toi, mon petit Pierrot, elle te laisse… une cassette sur le compte de laquelle il ne m’est pas permis de m’expliquer… sous condition que tu aies accompagné ses dépouilles jusqu’au cimetière, car, dit-elle, il « faut savoir aimer jusque dans la mort », Tu es donc récompensé d’avoir écouté ton bon cœur.

— L’excellente femme ! s’écria Mme Boisgarnier.

Et rougissant un peu, elle ajouta :

— Vous voyez, monsieur, que les questions d’argent n’existent plus entre nous. Vous êtes sans doute maintenant plus riche que nous…

Pierrot regarda encore une fois Violette. Presque souriante, cette fois, celle-ci lui fit le même signe d’acquiescement qu’au dernier entretien. Alors, un peu intimidé, charmant dans sa jeune gaucherie, Pierre prit la main de sa mère et la mit dans celle de M. des Aubiers :

— La bonne Folette nous avait assuré, dit-il, qu’avant janvier « des Aubiers et Boisgarnier seraient en justes noces alliés ». Il faut, ma petite maman, que sa prédiction s’accomplisse et nous habiterons tous le château !

Puis, cachant son émotion, laissant sa mère et son futur beau-père un peu interdits, il entraîna Violette dans le jardin.

Celle-ci sentit bien vite que son petit ami avait besoin d’une diversion. Elle-même était bien émue.

Un automne froid et calme pâlissait le ciel sans nuages, sur lequel montait la grise fumée des usines du bourg.

— Pierrot, fit-elle, en les désignant du doigt, il faudra suivre le conseil de François, il faudra aller souvent à la ville, visiter ces belles choses utiles, y être bons pour les ouvriers de l’usine que papa aime bien, y apprendre à travailler pour l’avenir, oublier tes vieux contes.

— Les oublier ? répondit Pierrot. Ah ! mais, non ! jamais… Mais seulement savoir que des contes… c’est des jolis contes… et puis c’est tout. On retournera tout de même aussi dans la forêt (je suis un homme, maintenant), mais simplement pour m’en amuser, j’aimerai toujours les belles histoires que nous nous sommes racontées tous deux. Et puis, on y pensera, à Folette !

— Tu as raison, fit Violette, songeuse.

Et, avec la maturité précoce que donnent souvent les petits drames de la vie, elle ajouta :

— D’autant que cette chère Folette nous a appris à connaître la meilleure des fées.

— Encore des fées ! Laquelle ?…

— La fée de la sagesse, mon petit Pierrot…


FIN