Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/38

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Quand ils eurent franchi la grille, Violette se hasarda cependant à questionner une très vieille femme courbée sous un fagot.

— Qui donc habite ce château, ma bonne dame ?

— C’est M. le vicomte de Croquoison.

— Ah ! oui, j’ai entendu dire ce nom-là à papa.

— Il a du bien. C’est un grand fusil et une bonne fourchette…

— Comment une fourchette ? demanda Pierre ahuri. Mais c’est un monsieur !

Violette le poussa du coude.

— T’es bête ! Ça veut dire qu’il mange bien. Tu as bien vu son goûter, soupira-t-elle. Est-ce qu’il est méchant ? demanda-t-elle à la vieille.

— Mais non, mon enfant. C’est un peu un drôle d’homme comme qui dirait des temps anciens. Il vit dans ses grimoires et se croit au temps du grand empereur. Des fois, il est colère rapport à ce que sa fille veut faire, — qu’on dit, — un mariage qui lui déplaît.

— Sa fille qu’est jolie ?

— Oui, mais méchante comme un âne rouge. L’autre, celle qui est laide, à cause qu’elle a eu une maladie, c’est un vrai ange du bon Dieu.

La vieille ne demandait qu’à causer. Mais elle semblait si lasse, si lasse que Pierre ne la voulut point retenir. Même, enlevant poliment son chapeau et rougissant un peu, il lui mit furtivement, une petite pièce dans la main, car elle avait l’air d’être très pauvre.

Et dans l’inconnu, les enfants silencieux continuèrent leur voyage… voyage un peu triste sur la route des désabusements qui ouvrait les yeux de Pierre sur les mécomptes de la vie réelle, bien différente des contes de fée !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La nouvelle surprise qui les attendait n’était pas loin !

En quittant le château de Cendrillon, les enfants ne rentrèrent pas tout de suite dans la forêt.

Tant de jolies choses étaient là pour distraire leurs natures, mobiles comme le vol des oiseaux, des scènes détestables dont ils venaient d’être les victimes !

Au bord du chemin, un beau champ de blé déployait pour eux ses grâces d’or. Çà et là montaient dans la mer des blonds épis les blanches marguerites, les bluets à la tige qui ne veut pas se casser et les coquelicots aux corolles délicates qui, comme sur le drapeau tricolore, mariaient leurs harmonieuses couleurs.

C’est en voulant enjamber un fossé pour aller cueillir les fleurs que Violette fit une découverte nouvelle :

— Pierre ! Pierre ! viens voir.